Le féminisme et les soutiens-gorge sport

On parle souvent du féminisme et des soutiens-gorge en général mais qu’en est-il spécifiquement du soutien-gorge sport? Quel rôle a joué cette petite pièce de vêtement sportif dans l’histoire du féminisme ?

Un peu d'histoire

Bien que les premières discussions sur l’égalité hommes-femmes remontent aux années 1700, c’est au début des années 1900 que s’organise la première vague du féminisme. Les femmes se mobilisent pour un but commun:  obtenir le droit de vote. Le combat est difficile mais finalement les femmes votent en 1918 aux élections fédérales. Au Québec,  les femmes doivent attendre jusqu’en 1940 pour participer aux élections provinciales.

Dans les années 1960, les femmes se mobilisent à nouveau afin d’établir de nouveaux rapports plus égalitaires dans toutes les sphères de la vie: travail, mariage, sexualité, etc. Le sport n’échappe pas à cette révolution. Bien que la participation aux compétitions sportives puisse sembler un enjeu secondaire, certaines femmes sont visionnaires. Elles comprennent que les femmes doivent être partout afin de proposer aux jeunes filles des modèles à suivre. Et quoi de mieux que le sport pour générer des héroïnes inspirantes.

Le marathon de Boston

Kathrine Switzer Marathon Boston

Bien que les femmes ont graduellement eu le droit de participer à quelques événements sportifs, il reste encore bien des combats à mener dans les années 1960. Par exemple, jusqu’en 1972, seuls les hommes avaient le droit de courir des marathons aux États-Unis.

Pourquoi? On pensait alors que les femmes étaient physiquement trop faibles pour courir cette distance. En 1966, Bobbi Gibb prouve le contraire. Portant les vêtements de son frère, cachée dans un buisson, elle saute sur la piste quelques instants après le départ du marathon de Boston et termine dans le premier tiers. Son temps n’est évidemment pas homologué puisqu’elle n’est pas inscrite mais elle démontre que les femmes sont capables de courir 42 km.

En 1967, Kathrine Switzer réussit à s’inscrire au marathon de Boston même si c’est illégal. Elle déjoue les organisateurs en utilisant ses initiales au lieu de son prénom. Quelques kilomètres après le départ, un des organisateurs voyant ce “scandale”, l’agresse physiquement et essaie de la tirer hors de la piste et lui arracher son dossard. Heureusement, son entraineur qui court avec elle la protège et elle termine la course. 

Finalement, après plusieurs années de négociations, c’est en 1972 que les femmes obtiennent le droit de participer à des marathons.

Le premier soutien-gorge sport

Évidemment, toutes ces nouvelles sportives se heurtent rapidement à un problème majeur: les fameuses brassières. En effet, on peut toujours courir avec un gilet d’homme, un short d’homme ou des souliers d’hommes. Mais sans soutien-gorge adéquat?

Premier soutien-gorge sport - le jogbra

Toute personne ayant déjà couru une épreuve importante comme un marathon peut témoigner de l’immense sentiment d’accomplissement et de confiance ressenti à la fin de la course. Cette confiance est un levier puissant qui permet d’affronter d’autres difficultés de la vie. Afin que toutes les femmes puissent avoir accès aux bienfaits du sport et prendre leur place, il fallait donc régler le problème de soutiens-gorge.

Les femmes s’organisent et en 1977, le premier soutien-gorge sport (le jogbra) apparait sur le marché. A première vue, on peut penser qu’il ressemble étrangement aux jockstraps qu’on peut trouver dans la poche de hockey de notre petit frère. C’est effectivement le cas car il a été fabriqué à partir de deux jockstraps cousus à l’envers.   

Évidemment, la performance de ces soutiens-gorge rudimentaires n’est pas très bonne. Seules les femmes avec de petits seins peuvent penser courir à cette époque. L’entrée des femmes dans le sport se fait donc lentement, et le manque de soutien-gorge adéquat en est une raison. Il faut attendre le début des années 1990 avant qu’on puisse trouver des modèles spécifiquement adaptés aux poitrines volumineuses. Renelle Bratten avec son ENELL est une des premières à adresser spécifiquement ce marché.

Sous la pression grandissante des femmes demandant des vêtements mieux adaptés, les grandes compagnies emboitent le pas. Bien que du travail reste à faire, il y a maintenant sur le marché plusieurs types de soutiens-gorge sport. Et pas mal plus jolis que le jogbra. 🙂

Et maintenant?

Maintenant que les femmes ont de meilleurs soutiens-gorge, est-ce qu’on a obtenu l’égalité hommes-femmes dans le sport ?

Commençons par les bonnes nouvelles. Selon iskio, organisme qui compile différentes données sur la course au Québec, les femmes sont maintenant presqu’à égalité sur la ligne de départ des événements majeurs. Au niveau amateur, plus personne ne s’étonne de voir des filles jouer au soccer ou au baseball.

Toutefois, au niveau du sport professionnel, la situation est toute autre. Le salaire d’une joueuse de hockey est de loin inférieur à son homologue masculin. De plus, il y a un taux alarmant de jeunes filles qui abandonnent le sport à l’adolescence. Je t’invite d’ailleurs à lire Pourquoi les filles aux gros seins n’aiment pas le sport si ce sujet t’interpelle.

En conclusion, des combats ont été gagnés, mais il en reste encore à faire.

Nathalie Hivert, présidente
enellquebec.ca

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